Tribunal de Grande Instance de Nanterre
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Grosse affaire de faux en écriture authentique devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE à l'audience du 27 octobre 2010 devant la Première chambre civile .
C'est l'affaire de l'huissier Thierry BONAN de VILLEJUIF.
La formation de jugement était composée par trois magistrats de choc :
- Madame Nicole GIRERD (Présidente) ;
- Madame Marianne RAINGEARD (Conseillère) ;
- Monsieur François LEPLAT (Conseiller).
Il s'agit d'une affaire de faux en écriture authentique concernant un acte dressé par Me Thierry BONAN (Huissier de justice) exerçant au 87 rue de Paris à 94 800 VILLEJUIF.
L'affaire est très simple :
- Me Thierry BONAN a signifié le 19 décembre 2006 un commandement de payer visant la clause résolutoire (bail commercial) ;
- Le commandement de payer indique la remise d'un " décompte financier " ;
- Le Procès verbal de signification indique que le commandement de payer et le décompte financier ont été remis en main propre à l'un des employé de la société, Monsieur Sébastien C.
Monsieur Sébastien C... a juré devant Dieux que l'huissier Thierry BONAN ne lui a jamais remis le 19 décembre 2006 le " décompte financier ".
C'est facile à prouver, l'acte remis le 19 décembre 2006 indique ne comporter que 5 pages et dans ces 5 pages, pas de pièce constituant un " décompte financier.
La difficulté tient dans le fait que Me Thierry BONAN n'a remis aucun décompte financier à Monsieur Sébastien C..., d'où faux en écriture authentique.
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Par conclusions régulièrement signifiées :
- L'huissier Thierry BONAN a reconnu ne pas avoir délivré le décompte financier :
- Monsieur Dan MENAHEM (le propriétaire des lieux) a reconnu que le décompte financier n'a pas été remis le 19 décembre 2006 par l'huissier Thierry BONAN.
Le faux en écriture authentique est donc parfaitement caractérisé.
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A l'audience Me Emmanuel SYNAVE, l'Avocat de l'huissier Thierry BONAN a reconnu la non remise du décompte financier et donc le faux en écriture authentique, mais, pour faire diversion, a accusé le preneur à bail et son Avocat d'être des " vicieux ", ce qui démontre qu'il n'avait rien à dire sur le fond.
A l'audience, Me Danielle LIPMANN W. BOCCARA l'Avocat de Monsieur Dan MENAHEM (le propriétaire) a terminé sa plaidoirie en indiquant :
« Si un acte d’huissier indique que l’on vous a remis une pièce et que ce n’est pas le cas, alors, c’est un faux ».Cependant, Me Danielle LIPMANN W. BOCCARA a demandé au Tribunal de ne pas déclarer l'acte de l'huissier Thierry BONAN comme étant un faux en écriture authentique car cela mettrait à néant 10 années de procédure.
Nous avons eu le sentiment que Me Danielle LIPMANN W. BOCCARA demandait au Tribunal d'accorder un " Passe droit " à l'huissier Thierry BONAN.
Si le commandement de payer délivré par l'huissier Thierry BONAN est déclaré faux en écriture authentique, alors, l'ordonnance de référé du 2 mai 2007 qui constate l'acquisition de la clause résolutoire sera automatiquement annulée.
La Présidente, Madame Nicole GIRERD, après avoir entendu toutes les parties a mis cette affaire en délibéré au 16 décembre 2010.
Les magistrats de choc qui vont délibérer sur cette très grosse affaire de faux en écriture authentique sont :
- Madame Nicole GIRERD (Présidente) ;
- Madame Marianne RAINGEARD (Conseillère) ;
- Monsieur François LEPLAT (Conseiller).
Nous devons donc attendre le 16 décembre 2010 pour savoir si la justice reconnait que l'huissier Thierry BONAN a fait ou non un faux en écriture authentique.
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Tribunal de Grande Instance de Nanterre
Première Chambre civile RG N° 10 / 00749
Audience du 27 octobre 2010 à 16 H 30
Numéro du Parquet : ………………………
Note en délibéré
Pour :
La SARL ……….., immatriculée au Registre de commerce et des Sociétés du Tribunal de Commerce de CRÉTEIL sous le numéro ….., dont le siège social se trouve au ……….. …………, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège.
Ayant pour Avocat Me ........................, Avocat au Barreau de ...................
Contre :
- 1° Monsieur Thierry BONAN, huissier de justice, domicilié au 87 avenue de Paris, 94 800 VILLEJUIF
Ayant pour Avocat Me Jean-Luc LASCAR, Avocat au Barreau de PARIS, 38 rue de Courcelles, 75008 PARIS ; Tel 01 42 25 42 46 Fax 01 45 61 18 50 ; Toque K 0029
- 2° Monsieur Dan MENAHEM, né le 10 mars 1963 à RABAT (Maroc), de nationalité française, demeurant, Casal da Torre do Meio BUCELAS (Portugal).
Ayant pour Avocat Me Danielle LIPMAN W. BOCCARA, Avocat au Barreau de PARIS, 23 rue de Madrid, 75 008 PARIS ; Tel 01 42 25 24 20 ; Fax 01 42 25 39 82 ; Toque R 203
Partie jointe :
Monsieur le Procureur de la République
PLAISE AU TRIBUNAL
I Justification de la note en délibéré
1. La Cour européenne estime que les parties peuvent en toutes procédure produire une note en délibéré sous réserve de la communiquer au contradicteur pour qu’il puisse éventuellement y répondre.
2. En l’espèce, le Conseil de Me Thierry BONAN a soutenu à l’audience des discours qui ne figuraient pas dans ces conclusions, c’est pourquoi la SARL ………………. produit la présente note en délibéré.
II Sur le fond
- Le commandement de payer lui-même (4 pages) ;
- Le Procès verbal de délivrance qui indique le nom de la personne qui a reçu l’acte en main propre, Monsieur Sébastien C………… (1 page).
4. Il va de soit que les 2 parties de cet acte constituent un tout indissociable.
5. À l’audience du 27 octobre 2010, Me Thierry BONAN a très justement soulevé la problématique du champ d’application de l’article 1319 du Code civil qui prescrit :
« L’acte authentique fait pleine foi ….. jusqu’à inscription de faux»
4. Par un arrêt de principe, prononcé le 26 mai 1964, la Cour de cassation a précisé le champ d’application de l’article 1319 du Code civil, Cass.1ère civ., 26 mai 1964 ; JCP 64, II, 13758 :
« L’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de l’existence matérielle des faits que l’officier public y a énoncé comme les ayant accomplis lui-même …. dans l’exercice de ses fonctions »
5. La « grille de lecture » de l’article 1319 est donc la suivante (Majeure du syllogisme) :
- 1° Existence matériel d’un fait :
- 2° Fait matériel accompli par un officier public, dans l’exercice de ses fonctions ;
- 3° Fait matériel énoncé dans un acte authentique.
6. En l’espèce (mineure du syllogisme) :
- 1° Le « fait litigieux » : Me Thierry BONAN a, le 19 décembre 2006, dans tel magasin, situé à telle adresse sur la commune de VILLEJUIF, remis en main propre un décompte financier à Monsieur Sébastien C………. (Procès verbal de signification) ;
- 2° Le « fait litigieux » aurait été accompli par Me Thierry BONAN (officier public), dans l’exercice de ses fonctions ;
- 3° Le « fait litigieux » est énoncé dans un acte authentique page 1, 3 et 5 (Pièce n° 1).
7. Le processus de validation du faux en écriture authentique requière de vérifier l’application des trois critères :
Premier critère : (Existence matériel du fait litigieux)
8. Me Thierry BONAN aurait, le 19 décembre 2006, dans tel magasin, situé à telle adresse sur la commune de V…… , remis en main propre un décompte financier, à Monsieur Sébastien C……. (Procès verbal de signification).
9. Par inscription de faux du 6 octobre 2010, la SARL …… a dénoncé l’inexistence matérielle de ce fait.
10. Me Thierry BONAN n’a pas, le 19 décembre 2006, dans tel magasin situé à telle adresse sur la commune de VILLEJUIF, remis en mains propre un décompte financier à Monsieur Sébastien C……...
11. Par conclusions régulièrement signifiées, les deux contradicteurs ont reconnu qu’effectivement, Me Thierry BONAN n’a pas, le 19 décembre 2006, dans tel magasin situé à telle adresse sur la commune de VILLEJUIF, remis en mains propre un décompte financier à Monsieur Sébastien C……...
12. Il s’agit d’un « aveux judiciaire parfait » qui corrobore les termes de l’inscription de faux formulée par la SARL …………….
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13. Toutes les parties au litige sont donc d’accord pour reconnaître que Me Thierry BONAN n’a pas, le 19 décembre 2006, dans tel magasin situé à telle adresse sur la commune de VILLEJUIF, remis en mains propre un décompte financier à Monsieur Sébastien C……...
Deuxième critère : (Fait litigieux accompli par un officier public)
14. Personne ne conteste que Me Thierry BONNAN se soit rendu au siège de la SARL ……. à la demande de Monsieur Dan MENAHEM en qualité d’officier public et dans l’exercice de ses fonctions d’officier ministériel.
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15. Le fait litigieux a donc bien été accompli par un officier public dans l’exercice de ses fonctions ministérielles.
Troisième critère : (Fait litigieux énoncé dans un acte authentique)
16. Le commandement de payer du 19 décembre 2006, énonce le fait litigieux (Pièce n° 1) :
« Je (Me Thierry BONAN) me suis rendu le 19 décembre 2006 dans tel magasin, situé à tel adresse sur la commune de VILLEJUIF (Page 1 et 5) ….. où j’ai remis en mains propre un décompte financier (page3) ……. à Monsieur Sébastien C…….. (Page 5) »
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17. Toutes les parties conviennent que le fait énoncé par cet acte authentique est inexact sur le plan matériel. Il s’agit donc d’un faux en écriture authentique dans la mesure où ce fait matériel est énoncé dans un acte authentique.
18. D’où, la « conclusions parfaite » de Me Danielle LIPMANN W. BOCCARA à l’audience du 27 octobre 2010 :
« Si un acte d’huissier indique que l’on vous a remis une pièce et que ce n’est pas le cas, alors, c’est un faux ».
19. Oui, c’est un faux en écriture authentique.
20. La SARL …………. remercie Me Danielle LIPMANN W. BOCCARA pour une conclusion aussi pertinente et si pleine de bon sens.
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21. Le prononcé d’une inscription de faux requière la validation de trois critères :
- 1° Fait matériel inexact ;
- 2° Fait accompli par un officier public dans l’exercice de ses fonctions ;
- 3° Fait litigieux énoncé dans le « corpus » d’un acte authentique.
22. Le Tribunal ne pourra rejeter l’action en inscription de faux que par le recours à l’une des motivations suivantes :
- le « fait matériel litigieux » serait exacte (remise du décompte financier par Me Thierry BONAN, le 19 décembre 2006, entre les mains de Monsieur Sébastien ………… (Procès-verbal de remise de l’acte) ;
- Me Thierry BONAN ne serait pas intervenu le 19 décembre 2006 es qualité d’officier public et dans l’exercice de ses fonctions ;
- Le « fait matériel litigieux » ne serait pas énoncé dans le « corpus » d’un acte authentique.
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23. L’Avocat de Me Thierry BONAN (Me Emmanuel SYNAVE) a terminé sa plaidoirie en demandant au Tribunal de ne pas valider l’inscription de faux car, cette situation permettrait d’annuler 10 années de procédure.
24. La SARL ………… CENTER fait observer que :
- Cette argumentation n’était pas exposée dans les conclusions déposées par Me Emmanuel SYNAVE, d’où violation des droits de la défense et note en délibéré ;
- Cette argumentation subjective n’a aucune place dans une procédure en inscription de faux.
25. L’inscription de faux en matière civile est une « procédure objective » qui s’apparente à un recours en excès de pouvoir contre un acte administratif. La différence tient dans le fait qu’il s’agit d’un « contrôle inversé » de légalité.
26. La majeur du syllogisme c’est la grille de lecture prévue par l’article 1319 du Code civil.
27. Le juge analyse « les faits » au regard de cette « grille de lecture » :
- 1° Le « fait matériel » litigieux est-il exact ou inexact ;
- 2° L’officier public a-t-il instrumenté dans l’exercice de ses fonctions ;
- 3° Le « fait matériel » litigieux est-il oui ou non énoncé dans un acte authentique ?
28. En l’espèce :
- Le « fait matériel litigieux » est inexact ;
- L’officier public a instrumenté dans l’exercice de ses fonctions ;
- Le « Fait matériel litigieux » est énoncé dans le « Corpus » d’un acte authentique, « Commandement de payer » (Page 1 et 3), « Procès verbal de délivrance » (Page 5).
PAR CES MOTIFS
Vu l'article 6 de la Convention européenne ; Vu l’article 1318 du Code civil ; vu les articles 12, 30, 31, 47, 73, 300 et suivants, 488, 593 et suivants du Code de procédure civile ; vu les articles L 145-9 et R 145-23 du Code de commerce.
21. La SARL ………….. fait sommation aux défendeurs de déclarer s'ils entendent faire usage du commandement de payer du 19 décembre 2006 dans la présente instance pour soutenir que cet acte ne constituerait pas un faux en écriture authentique et utiliser la décision obtenue sur le fondement de ce commandement de payer dans la procédure d’expulsion pendante devant le juge de l’exécution.
22. La SARL ……………….. demande au Tribunal de faire droit à l’inscription de faux formulée par conclusions récapitulatives N° 3.
Sous toutes réserves
Me .....................
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